
Pierre-François Mouraud
Doctorant en philosophie à l’Ecole des Hautes Etudes en sciences sociales, rattaché au LIER-FYT (UMR 8065), sous la direction de Pierre-Henri Castel (CNRS)
Ph.D. student in philosophy at Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), Paris under the supervision of Pierre-Henri Castel (CNRS)
Doctorat
Thèse intitulée : « Robert Brandom : une philosophie des normes sociales pour accomplir le projet d’autonomie des Modernes ? »
Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris
Soutenance : 15 novembre 2025 au Campus Condorcet
Rattaché au LIER-FYT (UMR 8065), Formation doctorale : Droit, Etudes Politiques, Philosophie
Axes de recherches
Philosophie du langage et de l’esprit
Mes recherches portent tout spécialement sur la dimension sociale de l’esprit et du langage, à la fois au niveau de la théorie du sens et de la conception de la rationalité elle-même. En quoi donner des raisons, se justifier de ses actions est-il ainsi un comportement socialement valorisé et attendu?
Philosophie politique
Dès lors qu’on déploie une telle philosophie du langage et de l’esprit, celle-ci ne peut manquer d’avoir des conséquences politiques qui portent d’abord sur le problème de la socialisation des individus. En quoi le rapport des individus aux normes engage à la fois l’appartenance à des groupes et l’approfondissement de formes d’attentes subjectives?
Théories de la Modernité
C’est donc le problème de la modernité qui se trouve discuté, in fine, et tout particulièrement à travers le concept d’autonomie.
Philosophie de la psychanalyse
Depuis l’articulation par Freud des symptômes névrotiques et de l’hypothèse de l’inconscient, la psychanalyse n’a cessé de fournir des ressources réflexives et critiques pour penser notre condition de sujets des sociétés modernes et le genre de malaise qui en découle. Elle offre ainsi un révélateur d’une contradiction majeure des sociétés modernes qui touche aux rapports des individus à leurs désirs.
Doctorat
Résumé de thèse
Mon travail explore le lien entre la philosophie sociale du langage et de l’esprit de Brandom et le problème de l’autonomie moderne. Il s’agit de proposer une lecture transversale de Brandom : partir de sa conception sociale de la raison pour en dégager les effets pratiques positifs quant au problème de l’individualité, de l’action et de l’autonomie.
La force de la pensée de Brandom réside, en effet, dans la théorie intégralement sociale de la raison qu’il développe : nos capacités rationnelles se définissent de façon irréductiblement normative, à travers des pratiques de reconnaissance réciproque qui instituent par synthèse à la fois les individus et les groupes auxquels ils appartiennent. L’originalité de ce geste est de saisir la rationalité à partir des dynamiques qui constituent la division du travail conceptuel. C’est ce qui permet, selon moi, de reposer la question de l’autonomie. Car Brandom ne livre pas seulement une théorie sociale de l’objectivité rationnelle : il propose aussi une conception réflexive de la normativité, par laquelle nous prenons conscience de nous-mêmes comme individus autonomes.
Voilà comment je suggère de lire Brandom : il contribue à transformer notre compréhension pratique de l’autonomie, non plus comme un projet largement moral d’auto-législation individuelle, mais comme un processus d’auto-contrainte normative et socialement instituée. Le lien inscrit dans le concept et l’histoire de l’autonomie entre exigence de liberté et exigence de rationalité s’en trouve profondément reconfiguré — pour intégrer une exigence de justice, c’est-à-dire de coexistence intérieure des libertés.
En reconstruisant le passage de Kant à Hegel, Brandom fournit effectivement la philosophie du langage et de l’esprit et la philosophie de l’action nécessaires pour repenser le projet d’autonomie des Modernes comme un accomplissement socio-historique inédit. Toutefois, la thèse défend que le projet de Brandom reste inabouti : s’il est clair qu’il offre une philosophie de l’esprit et de l’action capable de soutenir le projet d’autonomie des Modernes, il ne peut permettre d’accomplir ce projet, faute de pouvoir intégrer systématiquement la différenciation sociale des statuts d’autorité et de responsabilité dans des médiations institutionnelles concrètes. L’autonomie reste donc pensée au niveau éthique seulement, sans pouvoir se porter pleinement jusqu’au niveau politique.
